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PROPOSITIONS DE LA COMMISSION POUR
L'EGALITE D'EXERCICE DE LA MEDECINE EN FRANCE

Texte distribué au colloque sur l'égalité d'exercice de la médecine en France tenu le jeudi 26 novembre 1998, à l'Assemblée Nationale au nom de la Commission pour l'égalité des Droits de Tous les Médecins Exerçant en France (AMPSRF, La Cimade, FIDH, France Libertés, GISTI, Ligue des droits de l'homme, Médecins du Monde, Médecins sans frontières).

UNE SITUATION

-    Plusieurs milliers de médecins, français ou étrangers, détenteurs d'un diplôme extra union européenne (UE), exercent depuis plusieurs années, la plupart comme spécialistes, dans les hôpitaux publics. Leur diplôme a été reconnu par le Ministère de l'éducation Nationale comme scientifiquement équivalent avec celui obtenu par les médecins en France. Ils ont été recrutés par les chefs de service et embauchés par les directeurs d'hôpitaux sur la base de l'ensemble de leur diplômes et de leur expérience. "Ils occupent des responsabilités cliniques, de fait, qui les mettent en position d'équivalence avec les médecins français" (Rapport officiel du Professeur Amiel pour le Secrétaire d'état à la santé). Ils représentent 20 % de l'ensemble des médecins hospitaliers. Ils assurent en moyenne 65% des gardes et des urgences selon les hôpitaux. Ils exercent dans une panoplie de statuts spéciaux inventés à cet effet : Faisant Fonction d'Internes (FFI), attachés associés, assistants associés, praticiens adjoints contractuels...

-     Ils constituent un pilier du service public hospitalier pour garantir la qualitÈ et la sécurité sanitaire. Ils ont soigné des millions de personnes en France depuis plus d'une quinzaine d'années. Le Professeur Amiel confessait dans le rapport déjà cité: ´Une déflation trop importante ou brutale de ces médecins pourrait mettre en péril le bon fonctionnement de certains hôpitaux`.

Ces médecins ont une moyenne d'âge de plus de 43 ans. Certains ont un diplôme français de spécialité. La majorité ont la nationalité française.

-     Ils représentent une richesse pour le système de santé en France, par leur connaissance et leur expérience professionnelle dans plusieurs pays du monde.

-     Mais ces médecins ont été placés dans des "statuts spéciaux", précaires, sous payés, et de fait, discriminatoires. Ils n'ont pas le droit d'exercer en dehors des hôpitaux. Ils ne peuvent pas s'inscrire à l'ordre des médecins (exceptés les praticiens adjoints contractuels qui sont inscrits sur des listes spéciales). Pourtant, le code de la santé apparaît très explicite sur l'obligation d'inscription à l'ordre des médecins pour pouvoir exercer la médecine (Art. 372). Par ailleurs, ils ne sont pas, non plus, inscrits sur les listes préfectorales des médecins.

-     Les lois actuelles et les projets en préparation leur demandent de passer des examens-concours et de prouver de nouveau, leurs compétences, alors qu'ils exercent depuis de longues années, en France, sur la base de celles-ci.

DES VALEURS ET DES PRINCIPES

Nous pensons que, pour sortir de cette situation créée par l'état, celui-ci doit concrétiser certaines valeurs de la république: égalité, responsabilité, solidarité. Notre proposition combine le principe de garantie de la sécurité sanitaire et celui de la non discrimination.

La sécurité sanitaire est assurée, chaque jour et chaque nuit, pour une grande part, par ces praticiens. Aussi il est particulièrement anormal, qu'au nom de cette même sécurité sanitaire, ils soient mis, de manière discriminatoire, dans l'obligation de passer des examens et que leur droit d'exercer soit remis en cause.

La commission reprend donc à son compte ces deux grandes préoccupations:

1) Principe de sécurité sanitaire:

Prendre en référence le processus français de formation des médecins.
Les médecins généralistes à diplôme français doivent  réaliser deux années de résidanat à l'hôpital. Les spécialistes, réalisent quatre à cinq années d'internat à l'hôpital sanctionnées par un diplôme de qualification et le diplôme d'Etat français.

Prendre en compte les compétences reconnues et l'expérience prouvée.
Les médecins à diplôme extra union européenne ont exercé pendant plusieurs années en France . Leurs contrats ont été renouvelés par leurs chefs de service et les directeurs d'hôpitaux durant des années. C'est un élément de garantie de leur qualité et de leur compétence.

Prendre en compte les références à partir desquelles ces médecins ont été sélectionnés, puis recrutés et embauchés par les chefs de service et les directeurs d'hôpitaux.

Un certain nombre d'éléments ont été pris en compte:

- un diplôme de médecin reconnu scientifiquement équivalent à celui du diplôme de médecin en France par le Ministère de l'éducation Nationale ou permettant l'exercice de la profession dans le pays d'origine ou d'obtention.
 - un diplôme éventuel de CSCT,
- un diplôme éventuel de spécialiste obtenu hors de l'Europe ou en France (CES, DES, DIS) et des diplômes complémentaires (AFS, AFSA),
- leur expérience en tant que médecin généraliste ou spécialiste en Europe ou hors d'Europe.

C'est sur l'ensemble de ces critères que les chefs de service les ont donc recrutés, testés et ont renouvelé leurs contrats d'année en année.

2) Le principe de non discrimination et d'égalité.

- Il est essentiel de ne pas avoir des exigences plus fortes pour les médecins à diplôme extra union européenne que vis à vis des médecins à diplôme français.

- Les médecins à diplôme extra union européenne qui exercent dans des fonctions analogues aux médecins à diplômes français doivent être traités de manière égale. Ils ne peuvent être mis dans des statuts spéciaux, discriminatoires, à tout point de vue.

LES PROPOSITIONS

Différents gouvernements ont mis en place, puis géré ce système discriminatoire, non conforme aux valeurs de la République, ni au droit. Le gouvernement actuel a hérité de cette situation. Il doit prendre ses responsabilités pour, comme l'a écrit Lionel JOSPIN plusieurs fois, "redonner à ces médecins la plénitude de leurs droits et reconnaître officiellement leur travail" (lettres des 4 avril 1995 et 21 mai 1997).

Ceci passe par plusieurs mesures législatives ou réglementaires.

1) L'abrogation des statuts spéciaux: praticien adjoint contractuel (sans perte du bénéfice de la réussite à cet examen), attachés associés, assistants associés...

 2) La suppression de la loi de 1995 qui a mis  en place ce statut de praticien adjoint contractuel, les examens-concours et qui interdit tout nouveau recrutement de médecins extra union européenne dans les hôpitaux.

3) La légalisation  de la situation des médecins en exercice et leur inscription à l'Ordre des Médecins. En effet, cette inscription est obligatoire d'après l'article 372 du code de la santé qui  précise : "exerce illégalement la médecine...toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies...par actes personnels...ou par tous autres procédés quels qu'ils soient... alinéa 4: "toute personne qui ..exerce la médecine sans être inscrite à un tableau de l'ordre..".

Les médecins en exercice qui remplissent les conditions suivantes seront admis au plein exercice. Ils pourront s'inscrire au Conseil de l'Ordre.

3-1) Pour les généralistes:
En comparaison avec les médecins à diplôme français qui font un résidanat de deux ans, les médecins titulaires d'un diplôme extra union européenne, reconnu de valeur scientifique ou équivalente au diplôme d'état,  obtiendront la plénitude de l'exercice de la médecine après un temps d'exercice de deux ans ou trois années (en référence aux normes européennes). Il faut souligner, néanmoins, que certains de ces médecins ont par ailleurs, réalisé de nombreuses années de résidanat et d'exercice dans leur pays d'origine.

3-2) Pour les spécialistes
En comparaison avec les médecins spécialistes à diplôme français qui font quatre à cinq années d'internat, les médecins à diplôme extra union européenne, pour être inscrits comme spécialistes, devront avoir:
-un diplôme de médecin reconnu équivalent scientifiquement
-un diplôme de spécialiste obtenu dans leur pays d'origine ou un diplôme français de spécialité (CES, DES, DIS, PAC)
-Quatre à cinq années de pratique hospitalière dont deux années, minimum, dans la spécialité en France ou en Europe.

4) La prise en compte des recommandations, directives et jurisprudence au niveau de l'Union Européenne. Une directive de 1993 (93/16/CEE) permet de reconnaître des formations extra union européennes sur une base individuelle mais non automatique. La jurisprudence de la cour de justice des Communautés Européennes (arr HAIM) considère qu'une première reconnaissance par un premier Etat membre d'accueil d'un diplôme obtenu dans un pays tiers et l'expérience professionnelle acquise éventuellement dans cet Etat membre constituent "des éléments communautaires" dont les autres Etats membres doivent tenir compte. Le haut comité de la santé européen a d'ailleurs signé un texte pour engager chaque pays (dont la France) à appliquer cette jurisprudence.

La Commission demande au minimum l'application de ces textes et jurisprudences. Elle demande aussi que cette juridiction européenne soit renforcée pour ne pas faire obstacle ‡ la libre circulation et l'installation des citoyens européens.

5) Prévoir des mesures transitoires pour les médecins exerçant dans les hôpitaux et qui ne rempliraient pas toutes ces conditions, en particulier, leur permettre de continuer leurs fonctions hospitalières afin d'atteindre le temps requis pour être inscrit au tableau de l'Ordre des Médecins.

Cet ensemble de mesures permettra de mettre les médecins à diplôme extra union européenne en situation de légalité et d'égalité avec les médecins à diplômes français. Ceci ne résoudra pas l'ensemble des problèmes à l'hôpital, mais cela permettra de repartir d'un bon pied pour revaloriser les statuts et garantir une qualité de soin pour l'ensemble de la population.

LES MESURES D'URGENCE

Avant qu'une nouvelle loi soit votée, nous demandons que soient prises, en urgence, différentes mesures d'ordre réglementaire ou des décisions ministérielles pour:

1)     La délivrance immédiate de la plénitude d'exercice de la médecine pour les médecins ayant réussit le CSCT et qui attendent, pour certains, depuis plus de quinze  années.

2)     Le maintien en poste des médecins attachés associés, d'assistants associés, de FFI qui peuvent, en particulier , être menacés par la reprise de leurs vacations afin de reconstituer l'équivalent d'un poste de Pac ou de Praticien Hospitalier.

3)     Le renouvellement automatique des Autorisations Provisoires de Travail (APT) pour les médecins à diplôme extra union européenne.

Paris le 26 novembre 1998


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