Si vous voulez bien nous allons faire ensemble une première constatation.
Vous n'êtes pas seuls. Vous avez vu qu'avec vous il y a des parrains
et des marraines extrêmement prestigieux, efficaces et généreux.
Si vous me permettez je me compterais parmi vous pour une raison anecdotique
que je vais vous dire rapidement. J'ai travaillé en coopération
pendant longtemps en Algérie, grâce au président François
Mitterrand, et au début de ma période en Algérie mes
filles ont été encore en France. Et à l'école
sur leur fiche scolaire dans la rubrique profession du père elle
marquaient travailleur immigré. L'autre raison est que Professeur
Marcel Legrain m'a demandé d'être ici aujourd'hui. Et vous
savez que là où se trouve Marcel Legrain la cause est juste
et bonne. Avec Monsieur Legrain à partir des années 1992
nous avons essayé d'aider les médecins qui s'étaient
réfugiés de l'Algérie et nous avons par conséquent
pu véritablement réaliser ce qui était cette tragédie,
ce qui était leur drame, les vraie raisons qui les poussaient de
venir chez nous et aussi nous avons vu progressivement se dresser devant
nous des obstacles et les objections. Ces obstacles sont réels.
Et le premier message que je voudrais vous donner est que nous ne pouvons
pas les méconnaître. Si l'on veut gagner un combat politique
il faut être conscient des obstacles qui nous sont opposés.
Il en est de moins légitimes mais il en est de légitimes.
Les moins légitimes, on les connaît bien, il existe dans ce
pays un courant xénophobe qui ne date pas d'hier, celui-là
ne nous a pas surpris. Il existe des objection légitimes qui vous
ont été exposées ici. Les médecins il y en
a trop, ça coûte trop cher, la Sécurité sociale
va trop dépenser, soit, on verra. Et sélection, nous la contournons,
nous la cout-circuitons et le corps médical français constitué
s'insurge en disant : "voilà les gens qui n'ont pas subi la sélection
et qui viennent travailler dans notre pays". Ces objections sont réelles
mais nos revendications sont encore plus réelles, encore plus légitimes.
C'est pour ça que nous gagneront. Quels sont nos arguments. Ils
sont de deux ordres. Les arguments du coeur et le arguments de la raison.
Les arguments de coeur d'abord. C'est que vous êtes ici dans
le pays des droits de l'homme. Et qu'il existe pas conséquent une
très ancienne tradition - telle que les médecins défendent
les médecins. Et que déjà la génération
avant nous, et celle d'avant, aidait les médecins réfugiés
à s'insérer, à s'installer en France. Et à
l'époque dont je vous parle les nues qui pesaient sur l'Europe étaient
bien pires que celles d'aujourd'hui, tel le nazisme et l'antisémitisme.
Et j'ai vu avec beaucoup d'émotion Alexandre Minkowski, présent
dans cette salle, qui a fait partie de ce combat comme acteur et comme
témoin. Il existe cette tradition et ces médecin réfugiés,
leur enfants, se sont insérés et ils sont maintenant dans
l'élite de la nation. Ils sont nos responsables politiques. Donc
la France n'est pas à votre égard un pays neutre. Dans son
histoire la France a contracté avec vos pays, que nous connaissons
et que nous aimons, les devoirs et ces devoirs nous devons leur faire face.
Nous ne pouvons pas vous décevoir ne serait-ce pour une raison très
simple, nous sommes tous des descendants d'immigrés.
Les arguments de la raison maintenant. Et bien "les médecins
à diplôme étranger coûtent cher.." - peut être,
mais ils sont arrivés tout formés. Et leur formation, la
communauté nationale n'a pas eu à y investir. Les arguments
de la raison : on ne peut plus accepter la situation dans laquelle vous
travaillez. Parce que, je ne dirais pas, pour ne pas fâcher, que
vous êtes en situation illégale, disons que vous êtes
dans une situation ambiguë. Alors, si vous êtes des demi-médecins,
y a-t-il des demi-malades ? Ceci est-il acceptable en France? Je
ne pense pas. Donc, il faut que nous arrivions à un plein exercice
pour vous dans les conditions de la loi française et les conditions
de la loi européenne ultérieurement. De la même façon
il n'est pas acceptable que vous travailliez dans les conditions de rémunération
inférieure. Vous n'êtes pas des demi-soldes, ou alors il y
a des malades qui méritent demi-traitement et demi-investissement
de la santé.
Et dernier point, en réalité vous êtes ici parce
que on vous a demandé d'être ici. Bien sûr vous avez
voulu travailler en France mais là où vous travaillez, et
on l'a dit 20% d'entre vous travaillez dans le hôpitaux, des milliers
de postes dans les hôpitaux ne sont pas pourvus. Vous travaillez
là où personne ne revendique ces situations. Par conséquent
vous êtes là pour une raison très simple, et c'est
notre meilleure arme, vous êtes là parce que nous avons besoin
de vous. Et c'est pour ça que nous gagneront.
Vous êtes là parce que vous travaillez dans le pays des
droits de l'homme, que votre droit c'est notre honneur et croyez moi nous
le défendront.
Mr Henri LECLERC, Président de la Ligue des Droits de l'Homme
Ce n'est pas une conclusion. Je n'interviendrais pas sur l'ensemble
des travaux que vous avez eu ce matin et qui ont permis d'approfondir la
question. Un colloque que celui là n'a d'intérêt que
parce que il permet de mieux caractériser et mieux poser des problèmes
et de montrer quelle est la réalité des enjeux. Et j'entendait
tout à l'heure Mme la représentante du ministre de dire par
exemple "180 000 médecins ou 188 000, c'est pas le problème",
voilà déjà un acquis. Autrement dit, ce n'est pas
la question. Je ne peux pas croire bien entendu que le problème
soit celui de la xénophobie. Je serais tout de même très
surpris que dans le pays des droits de l'homme et avec le gouvernement
qui est le notre actuellement on songe un instant à considérer
que les médecins à diplôme étranger ne serait
pas dignes d'exercer la médecine simplement parce que vous auriez
un parfum qui serait désagréable. Je crois donc que le problème
est ailleurs.
Et ce problème peut être résolu. Je crois qu'il
y a eu ce matin un dialogue et qu'il y a eu un certain nombre de choses
qui ont été acquises. Mais le combat commence et ce qu'il
faut bien voir, c'est qu'à partir du moment où l'on sait
que ce n'est pas un problème de compétences, ce n'est pas
un problème de démographie, alors quel est le problème
? Est-ce que en réalité on ne nous referait pas le
coup qu'on nous fais par ailleurs, celui de "l'appel d'air", qui consisterait
à dire "mais si nous régularisons et si nous accordons l'égalité
à tous ceux là nous allons être envahis". Est-ce qu'il
n'y aurait pas de ce côté là quelque chose qui rappellerait
certains discours que nous entendons trop actuellement. La vérité
est que ce problème doit être résolu, et comme le disait
très bien le professeur Jacques Milliez, il doit être résolu
dans le pays des droits de l'homme.
Et ce n'est pas pour rien qu'une association comme la Ligue des droit
de l'homme qui mène un combat pour la défense d'égalité,
pour le respect des principes depuis cent ans maintenant a pris à
coeur ce problème, l'a pris en mains et considère qu'aujourd'hui
il s'agit d'un combat prioritaire. Pourquoi. D'une part parce que il y
a là le problème de santé. Il faut qu'on réussisse
à résoudre cette question en respectant des droits qui sont
des droits évidents, des droits d'égalité. Il n'est
pas possible que cet espèce d'extranéité qu'on reproche
à certain nombre de personnes soit considéré aujourd'hui
comme ne permettant pas d'exercer dans les mêmes conditions que celles
des médecins à diplôme européen. Il y a là
un principe de fond sur lequel nous nous engageons. C'est un combat qui
commence, le colloque d'aujourd'hui est un commencement, nous allons continuer
et je peut vous garantir que la LDH non seulement à Paris mais partout
dans ses sections de province se mobilise sur ce sujet pour le poser, pour
apporter aux médecins étrangers qui sont menacés l'aide
qui est absolument indispensable et pour qu'on réussisse enfin à
résoudre un problème qui n'est tout de même pas si
difficile à résoudre.
FIN DU COLLOQUE