Suite à l'article de Carlos Parada sur la situation scandaleuse
des médecins à diplôme étranger (Libération
du 27-28 juin 1998), les chefs de clinique-assistants des hôpitaux
ont réagi en plaçant le débat sur le plan de la compétence
médicale (Libération du 8 juillet 1998).
Non sans une certaine emphase, leurs représentants syndicaux
déclarent poser "comme préalable à toute discussion
la nécessité de garantir aux patients des soins de qualité
par des personnels compétents". Chacun souscrit naturellement à
cette exigeance dont le principal mérite est d'être si générale
qu'elle peut être formulée sans frais pour toute mesure concernant
l'administration de la santé, de l'implantation des pharmacies à
l'architecture hospitalière, en passant par le statut des infirmières
et la réforme de la sécurité sociale. Plus duteux,
en l'occurrence, est le moyen proposé pour assurer cette qualité
de soins, qui se résume au "controle rigoureux des qualifications
et compétences de ces médecins [à diplôme étranger]",
c'est-à-dire en l'occurrence à l'examen de Praticien adjoint
contractuel.
Cette attitude de vigilance serait en effet plus cohérente si elle ne se limitait pas à une catégorie de praticiens, les médecins d'origine étrangère, et si elle interrogeait, au passage, le postulat selon lequel un examen théorique réussi un jour garantit la compétence pratique pour lr reste d'unre vie. Elle perd toute consistance lorsque l'on observe ce que les auteurs de l'article se gardent de faire, que les médecins dont il est question ne sont pas d'hypotétiques confrères susceptibles de venir un jour exercer en France, mais qu'ils sont actuellement en fonction dans les hôpitaux. Plus précisément, comme le rappelait Carlos Parada, ils représentent le quart des médecins hospitaliers et assurent 60% des gardes d'urgence. Ce n'est pas ce que l'on pourrait appeler un détail dans cette histoire.
En réalité, lorsqu'on pose comme préalable la vérification de la compétence par un examen, on affirme indirectement qu'une proportion massive des soins médicaux est prise en charge par l'hôpital par les gens dont la qualité professionnelle est tellement suspecte que l'on se prépare à démettre irrévocablement plusieurs milliers d'entre eux de leur fonctions. C'est bien le sort qui est d'ores et déjà promis à près de la moitié de ces huit mille médecins, qui n'auront même pas la possibilité de se soumettre à l'épreuve qualifiante, puisque celle-ci n'est accessible qu'à ceux qui ont commencé à exercer avant 1992. Ainsi, des médecins en exercice dont personne, à ce jour, n'a remis en cause la capacité à prendre de lourdes responsabilités diagnostiques et thérapeutiques, sont invités à se préparer à une prochaine reconversion professionnelle. Dans l'intervale de temps qui les séppare de leur mise à pied, ils sont naturellement conviés à prendre leurs gardes et à dispenser leur soins, en toute confraternité et quelle que soit l'issue de la vérification à venir de leurs compétences pour ceux qui sont admis à se présenter.
Il n'existe qu'une hypothèse dans laquelle la posture si sourcilleuse de nos confrères retrouverait une réelle cohérence : celle où tous les médecins, sans considération de la nationalité de leur diplômes, seraient soumis en cours de carrière à une vérification écrite de leurs compétences, logiquement sanctionnée, en cas d'échec, par une "aide à la reconversion". On se demande quelle proportion du corps médical franchirait l'obstacle, le cas échéant, et l'on imagine les réactions... Mais cette contradiction ne semble pas troubler ‘Intersyndicat des chefs de clinique, en dépit de son intransigeance sur la qualité des soins et de sa condamnation des "statuts indignes d'un grand service public hospitalier".
Notons par ailleurs que la vigilance de nos confrères ne s'arrête pas en chemin puisque selon eux, les médecins à diplôme extra-européen, même reconnus compétents au terme d'épreuves nationales, devraient encore effectuer des stages hospitaliers d'une durée indéterminé avant d'être autorisés à s'installer en secteur libéral. Et pourquoi pas demander un certificat de bonne vie et moeurs à ce compte ? Cette obsession de la vérification de compétence ne serait-elle pas l'autre nom de ce bon vieux corporatisme, teinté de quelque chauvinisme, qui est toujours parvenu à se draper dans le grand manteau de la morale professionnelle.
Une commission pour l'égalité des droits de tous les médecins exerçant en France s'est crée à l'initiative de la CIMADE - FIDH - France Libertés - GISTI - LDH - MDM - MSF.
Il apparaît clairement que l'interdiction d'exercer à des médecins ayant acquis une réelle compétence et exerçant dans les hôpitaux était une réelle atteinte aux droits. La loi actuelle propose un examen auquel beaucoup, pour des motifs très divers, ne peuvent accéder. Le nombre d'admis est par ailleurs très limité. Les chefs de clinique, ceux-là même qui se sont exprimés, ne sont soumis à aucun examen après l'internat, pour être nommés. Ils sont nommés sur dossiers et évaluation de leurs compétences par les patrons.
Nous demandons donc que la nouvelle loi en préparation instaure une égalité de traitement pour tous.
Nous demandons instamment au ministère de La santé
un moratoire urgent en attendant le nouveau texte de loi. Car actuellement,
certains médecins sont déjà exclus et dans l'interdiction
d'exercer.